« Analyse des réponses et stratégies d’adaptation des pêcheurs face au
développement de l’éolien en mer : représentations et déterminants de la
cohabitation des usages »
Contexte
L’exploitation de l’énergie éolienne en mer s’est progressivement affirmée comme une source prometteuse d’énergie renouvelable au niveau international depuis une quinzaine d’années. Son expansion rapide, en Europe comme dans d’autres régions du monde, soulève cependant des défis significatifs. Parmi ces défis figurent les conflits d’usage avec les activités de pêche, dus à la concurrence pour l’accès à l’espace maritime, ainsi qu’aux effets en cascade liés aux déplacements des activités de pêche, et à leurs impacts écologiques, économiques et sociaux (Chaji et Werner, 20231).
Les approches d’évaluation actuelles de ces impacts, et de leurs compensations potentielles, sont largement inspirées des méthodologies utilisées pour les projets industriels terrestres. Ces méthodologies abordent généralement chaque projet de développement de manière individuelle (Buchholzer et al., 20222). Cependant, en raison de la nature fluide et dynamique des écosystèmes marins, et de la capacité d’adaptation des activités de pêche, les impacts locaux de projets individuels sont susceptibles d’avoir des répercussions indirectes importantes qui échappent largement à ces évaluations. Étant donné l’ampleur des développements prévus de l’éolien en mer, en Europe et en France, il est essentiel de développer des méthodologies permettant d’évaluer les effets cumulatifs de ces développements, susceptibles de modifier de manière structurelle l’activité du secteur de la pêche du niveau local au niveau régional (Thébaud et Boschetti, 20243). Une telle évaluation nécessite d’analyser de manière systémique la réorganisation des activités de pêche et éventuellement leur cohabitation avec les parcs éoliens. Cette analyse requiert de comprendre les facteurs techniques, écologiques, économiques, sociaux, politiques et réglementaires qui influencent ces réponses.
Objet du stage
L’objet du stage sera de développer et de tester une méthodologie d’enquête permettant d’identifier les réponses des pêcheurs, en matière de décisions de pêche, face à la mise en place de parcs éoliens, et leurs déterminants. L’enquête cherchera à recueillir les expériences des pêcheurs en termes d’activité dans ou à proximité des parcs, sur l’importance qu’ils accordent aux différents facteurs
influençant leurs décisions de pêche ainsi que les stratégies d’adaptation qu’ils mettent en œuvre. L’analyse visera notamment à identifier quels facteurs sont susceptibles de favoriser une cohabitation entre parcs éoliens et activités de pêche professionnelle et, à l’inverse, lesquels peuvent être des points bloquants. Elle visera en particulier à mesurer les impacts de facteurs tels que l’encombrement spatial des zones de pêche, les incitations économiques, la perception des risques, la compatibilité technologique, les dimensions réglementaires et le rôle des facteurs sociaux.
Méthodologie et missions du stage
En interaction avec l’équipe de recherche, vous mènerez une étude qui reposera sur une enquête auprès des acteurs du secteur de la pêche professionnelle (armateurs, patrons pêcheurs, membres d’équipage, représentants professionnels), complétée par des entretiens auprès d’acteurs clés tels que les autorités maritimes, les assureurs privés, des développeurs de parcs éoliens.
La méthode est structurée en plusieurs étapes :
1. Identification des déterminants clés (réalisée en amont du stage) : une revue bibliographique et des entretiens exploratoires permettront de cerner les principaux facteurs influençant les réponses des pêcheurs à l’implantation de parcs éoliens, à différentes échelles spatiales et temporelles. Ces résultats serviront de base à l’élaboration d’un premier questionnaire ;
2. Test et ajustement du questionnaire : vous participerez à la mise à l’épreuve de ce premier outil d’enquête, en identifiant les points à améliorer sur la forme comme sur le fond, et en contribuant à son adaptation aux réalités du terrain ;
3. Conduite de l’enquête : vous réaliserez des passations de questionnaire en face-à-face auprès d’une diversité d’acteurs de la pêche, dans une ou plusieurs zones pilotes. Vous serez également amené(e) à mener des entretiens complémentaires avec des acteurs clés des domaines concernés ;
4. Analyse des données recueillies à travers l’enquête et les entretiens : vous participerez au traitement et à l’analyse des données collectées, en mobilisant des approches quantitatives et qualitatives. Vous contribuerez à l’interprétation des résultats afin d’identifier les facteurs clés qui influencent les décisions de pêche et les stratégies d’adaptation ;
5. Rédaction d’un mémoire : vous rédigerez un mémoire présentant la méthodologie employée, les résultats obtenus et les enseignements tirés de l’étude. Ce document pourra notamment mettre l’accent sur la formalisation de la démarche méthodologique et sur les conditions de sa transposabilité à d’autres sites ou contextes d’étude. Les résultats de ces enquêtes serviront à définir les composantes principales d’une modélisation des processus d’adaptation des pêcheries au développement de parcs éoliens à l’échelle régionale, intégrant les effets cumulatifs liés aux réponses des activités de pêche aux contraintes spatiales.
Cadre de collaboration
Le travail sera conduit en collaboration avec une recherche doctorale engagée dans le cadre d’une thèse en cotutelle associant l’UBO, l’Université de Tasmanie, l’Ifremer et le CSIRO (projet AUFRANDE).
L’approche sera mobilisée pour la réalisation d’une enquête similaire dans un cas d’étude australien, menée en parallèle à l’enquête française.
L’encadrement de la recherche sera mené à l’interface entre l’UMR AMURE (Sophie Léonardi, Huixin
Wu et Olivier Thébaud) et l’École Nationale Supérieur des Techniques Avancées (ENSTA – IP Paris,
Nathalie Krien). Deux chercheurs de l’Université de Tasmanie (Emily Ogier et Steven Rust) participeront
également à la définition de la méthodologie d’enquête.
Ce stage s’inscrira également dans le projet EOLENMER (Ademe) (https://recherche-eolenmer.fr/)
visant à poser les bases d’un observatoire sciences-milieux-sociétés de l’arrivée des éoliennes en mer
rassemblant une quarantaine de chercheurs, distribués de manière hétérogène sur un plan
géographique à travers la France et disciplinaire (géographes, économistes, sociologues, écologues,
anthropologues…).
Le stage permettra de renforcer les méthodologies d’évaluation sur lesquelles s’appuyer pour mesurer
les enjeux environnementaux et socio-économiques associés aux interactions entre développement
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de l’éolien en mer et pêcheries commerciales, en améliorant la compréhension des adaptations de
modes de pêche suite à la mise en place de parcs éoliens. Ces connaissances permettront également
de renforcer la capacité de l’équipe de recherche à contribuer aux expertises en appui aux politiques
publiques, dans le cadre de comités de suivi régionaux, nationaux et/ou internationaux. Elles serviront
en particulier, à court terme, les travaux du Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM)
relatifs aux énergies marines renouvelables4
, auxquels contribuent les encadrants de stage. Les travaux
contribueront également à rendre plus opérationnelle la mise en œuvre et les suivis de l’efficacité des
mesures d’évitement, de réduction et de compensation (ERC) qui concernent les impacts des parcs
éoliens sur la pêche professionnelle.
La personne recrutée bénéficiera ainsi de plusieurs espaces de discussions et de présentation de ses
travaux au sein des instances du projet de recherche EOLENMER, ainsi que des unités de recherche
dont relèvent ses encadrant.es. Le-la stagiaire pourra également contribuer à la restitution auprès des
acteurs du territoire concernés en utilisant des supports de médiation adaptés.
Profil recherché
Étudiant·e en Master 2 ou en école d’ingénieur dans le domaine des sciences humaines et sociales
appliquées à la gestion de l’environnement (sociologie, géographie, psychologie sociale, sciences
politiques, sciences halieutiques et aquacoles…).
Compétences
● Maîtrise des méthodes d’enquête (questionnaires, entretiens) et analyse de données ;
● Expérience d’une ou plusieurs enquêtes de terrain ;
● Aisance relationnelle et capacité à interagir avec des acteurs variés ;
● Connaissances et intérêt concernant les enjeux marins et littoraux ;
● Bonne capacité de synthèse et de rédaction en français ;
● Maîtrise de l’anglais scientifique souhaitable (collaboration internationale).
Savoir-être professionnel
● Rigueur et autonomie ;
● Organisation et anticipation ;
● Capacité à travailler en équipe pluridisciplinaire.
Autre : Permis B indispensable (déplacements requis pour les enquêtes).
Modalités du stage
● Localisation : UMR AMURE, IUEM, rue Dumont d’Urville, 29 280 Plouzané. Des déplacements
sont à prévoir sur les sites d’études (à définir sur le littoral Manche – Atlantique) ;
● Durée : 6 mois (février-mars à juillet-août 2026) ;
● Rémunération : selon la grille IFREMER.
Candidater
Les candidatures (CV + lettre de motivation) doivent être adressées conjointement à :
● Olivier Thébaud, IFREMER – UMR AMURE : olivier.thebaud@ifremer.fr;
● Sophie Léonardi, IFREMER – UMR AMURE : sophie.leonardi@ifremer.fr
● Nathalie Krien, ENSTA – IP Paris : nathalie.krien@ensta.fr
Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 16 novembre 2025. Lettres de recommandation bienvenues.
